Il est tôt, trop tôt, mais pourtant pas moyen de dormir alors à quoi bon se retourner sans arrêt. Soline a décidé de se rendre dans le salon pour trouver une distraction car rien l'occupe dans sa chambre et ce matin elle aimerait de la compagnie. Les yeux gonflés par la nuit agitée, elle grimace devant la lumière dans le salon. Il y a quelqu'un d'autre de levé ! Une fois ses yeux habitués, elle réalise que la lumière est douce et que ce qu'elle suspectait est vrai : elle n'a pas sommeil. Elle s'est sans doute trop acharnée à essayer de s'endormir malgré le ressentit de son corps. Elle constate que c'est Elzéar qui est debout. Assis dans le canapé, un feu brûle dans la cheminée et il se cache sous des plaids. Il a l'air bien là, pourtant quand il tourne son regard vers elle, elle comprend que le sommeil se joue de lui depuis un moment déjà.
- Salut Elzéar!
- Tu ne dors pas, Soline ? Que t'arrive-t-il ?
- Je ne sais pas mon corps semble réclamer nettement moins de sommeil depuis quelques jours. Il a gagné j'ai quitté la chaleur des draps. Et toi, que fais tu devant une flambée si tôt ?
- Impossible de dormir alors je suis venu réfléchir. Tu remarques qu'il est difficile de rester au lit lorsque l'on ne dort pas.
- Oui c'est le plus frustrant je trouve et malgré tout il faut parvenir à abandonner la partie et se lever ! A quoi songeais-tu ?
- Tu te doutes bien de mon sujet de réflexion, non ? Marchera, marchera ti pas ?
- C'est toi le plus raisonnable de cette forteresse donc si tu doutes nous avons du souci à nous faire !
- Ne me raille pas ainsi, Soline. Je suis sérieux. Je n'arrive pas à me départir de mon impression que tout ce que nous faisons est un recommencement éternel, un but après lequel on court et auquel nous ne renoncerons jamais. Cependant, il s'assimile dans mon esprit à une routine qui s'est installée dans nos vies et que nous faisons tout sans avoir le droit au dénouement. D'ailleurs je réalise que je ne suis pas triste à cette idée mais que ce sera la particularité de notre vie.
- Tu es le premier à nous rappeler pourtant que ça fonctionne et que notre tour viendra !
- Oui je suis convaincu quand je vous le répète mais disons c'est comme ci, il y avait un long très long trajet nébuleux qui m'empêche de relativiser la distance et le chemin parcouru. C'est comme ci ces épreuves étaient automatiques à présent.
- C'est curieux dans ce cas que tous dans ces murs parvenons à nous représenter le résultat de ces épreuves et la récompense de nos efforts.
- Je sais bien mais lorsque je ne convoque pas fermement ces images, mon esprit est engourdi dans une mer de nuages avec des éclaircies. Cela me donne l'impression que ce n'est pas palpable. Et en même temps, je crains de ne pouvoir refréner la frénésie joyeuse d'une annonce positive.
- Tu essayes simplement de rester dans le brouillard pour garder de la distance, non ?
- Tu as raison Soline pourtant je doute que cette méthode persiste à la prochaine avancée de notre projet.
- Je n'ai pas de solution et je comprends ton attitude. Tu crois que c'est pour cela que le sommeil se fait si chaotique ces derniers jours ?
- Je n'en suis même pas convaincu, si cela se trouve c'est un des médocs qui joue sur notre rythme ?
- C'est possible. J'ai beau me dire que les nuits d'une traite et les nuits de 10 heures de sommeil devraient disparaître d'ici la fin de l'année, comme quoi j'y crois, mon corps ne semble pas vouloir en profiter. Car as-tu remarqué que rien de particulier n'assaille notre esprit pendant ces heures où l'on espère sombrer pour de bon ?
- Elzéar, je crois bien que c'est ce qui me perturbe le plus. Il n'y a rien à quoi se raccrocher dans notre esprit. C'est sans doute le plus épuisant au final.
- Il n'y a plus qu'à attendre que l'horloge avance un peu plus pour considérer que l'heure est décente pour prendre un petit déjeuner.